Analyse d’une campagne de désinformation

Une maladroite dépêche de l’AFP concernant une étude japonaise sur la e-cigarette tombe. En quelques heures, TOUS les médias québécois et européens relaient l’information suivante:
« La cigarette électronique contient 10 fois plus de composés cancérigènes que la cigarette de tabac ».

Chez eVAP, on croit rêver!

Nous regrettons, une fois encore, le manque d’analyse et de vérifications élémentaires que devrait faire chaque journaliste avant de diffuser une dépêche et de jouer avec les angoisses des fumeurs.
Quel autre but que de conforter les fumeurs dans leur addiction aux produits du tabac? La question reste posée.

Les principaux professeurs et spécialistes de la e-cigarette sont tout de suite montés au créneau pour rétablir la vérité mais le mal est fait. Les ventes de vaporisateurs vont probablement descendre et les achats de tabac vont malheureusement continuer à augmenter, pour le plus grand bien des industriels du tabac.

 

Commentaires du Professeur Farsalinos

Le Professeur grec Konstantinos Farsalinos est l’auteur de nombreuses études sur la cigarette électronique.

Ce que dit le texte

« Les journaux et les télévisions rapportent la présence de produits cancérigènes – au pluriel ». Cependant le texte de la dépêche ne mentionne que la présence de formaldéhyde (le formol). Ce produit se trouve dans les matériaux de construction et les liquides d’embaumement. Il est présent un peu partout dans notre environnement.
Tout ce bruit médiatique ne concerne en fait que cette seule substance. Le titre publié partout est trompeur, car le niveau de formaldéhyde rapporté, « 10 fois plus élevé que dans les cigarettes de tabac », ne concerne qu’une seule marque d’e-cigarette japonaise.

Le besoin de comprendre

Le docteur Farsalinos a tout de suite appelé le professeur japonais Kunugita, à l’origine de l’étude, pour lui demander plus d’informations.
Il lui indique comme source d’information une étude récente sur les carbonyles générés par 13 marques de e-cigarettes japonaises – Etude publiée le 28 octobre 2014 sur le site du Journal of Environmental Research and Public Health.

Les conclusion de l’étude

« Des études ont montré que les cigarettes électroniques émettent des composés carbonyles toxiques produits par la décomposition thermique. Ces substances peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. Cependant, dans la plupart des cas, les niveaux sont inférieurs à ceux de la fumée de tabac de cigarette. Il est important d’élargir la recherche dans ce domaine afin de mieux comprendre la source de carbonyles émis par les e-cigarettes et trouver des moyens de les réduire. »

Les conclusion du docteur Farsalinos

Le docteur Farsalinos analyse cette source d’information et n’a pas du tout les mêmes conclusions:
« Les niveaux de formaldéhyde présents dans les aérosols de e-cigarette mis en évidence (…) étaient en moyenne de 4,2 microgrammes, avec un plus haut niveau recensé à 35 microgrammes. Sachant que la fumée du tabac peut contenir jusqu’à 200 microgrammes, il est évident que les e-cigarettes exposent leurs utilisateurs à des niveaux de formaldéhyde de 6 à 50 fois plus faibles que ceux présent dans le tabac.
[…]
Même si les cigarettes électroniques contenaient des concentrations similaires de formaldéhyde, ou plus, ils ne contiennent pas la plupart des autres substances toxiques et cancérigènes présentes dans la fumée de cigarette. Dans l’ensemble, tout risque résiduel de l’utilisation des e-cigarettes est d’un ordre de grandeur bien inférieur à fumer du tabac. C’est ce que les fumeurs ont besoin (et méritent) de savoir. »

Rectifications du professeur Kunugita qui a mené cette étude

Il semble qu’une grosse erreur se soit donc bien glissée quelque part. On se prend un café et on s’y remet…

Le professeur Kunugita, rectifie également la vérité et communique sur le site du professeur Farsalinos:

Dans ses résultats globaux, il a observé non dix fois plus mais… six fois moins de formol!

Le premier journaliste de l’AFP qui a relayé l’information s’est trompé d’étude!

Il faisait référence à une étude non publiée sur un nouveau dispositif de vaporisation. Le professeur Kunugita indique qu’il est fort probable que des anomalies aient faussé les résultats. Il ajoute également que la frénésie médiatique est tout à fait inappropriée.

 

Commentaires du tabacologue Docteur Presles sur slate.fr

Le docteur Philippe Presles est l’auteur d’un livre à succès sur la e-cigarette. C’est l’un des spécialistes mondiaux sur la question et il n’est pas non plus avare de critiques sur les journalistes qui ont exploité cette fausse information.

« Les taux de formol retrouvés dans la vapeur des 13 e-cigarettes japonaises sont 50 fois moins importants que ceux retrouvés dans la fumée du tabac. Les journalistes ont repris un nombre non publié à propos d’un modèle d’e-cigarette. L’auteur n’a pas eu le temps de vérifier et de chercher l’anomalie expliquant ce taux anormal.
[…] Il faut également rappeler que dans la vapeur des e-cigarettes, on ne retrouve ni hydrocarbures polycycliques, ni monoxyde de carbone, ni particule fine, les trois grands poisons du tabac. Rappelons enfin que le formaldéhyde n’est autre que le méthanal ou aldéhyde du méthane, le gaz naturel produit par tous les êtres vivants. Chez les plantes, le méthanal, très volatile, sert à transporter les arômes (thym, romarin, etc.). »

Il est vraiment inquiétant de voir que les journalistes ne prennent aucun recul quand il s’agit de traiter de la e-cigarette. Toutes ces rumeurs entachent, jour après jour, l’image des cigarettes électroniques et des e-liquides.

Science à 2$: Faire fumer des robots encrasserait leur circuiterie

Deux chercheurs de l’Université de Portland aux Etats-Unis ont publié une lettre accompagnée d’un « dossier de presse » dont le contenu fait état de leurs inquiétudes concernant les effets néfastes de la vapoteuse sur la santé.

Selon leurs recherches en laboratoire, le e-liquide utilisé dans les vaporisateurs génère une substance cancérigène, le formaldéhyde, en particulier lorsque le e-liquide est fortement chauffé comme du café brulé.

A propos de cette fameuse lettre de Portland

Ces chercheurs indiquent que le formaldéhyde est une substance produite lorsque la batterie de la cigarette électronique est à son maximum (à 5V).

Lorsque le e-liquide est chauffé normalement, c’est à dire lorsqu’il n’y a pas de gout de brûlé, cette substance n’est quasiment pas présente.

Quelques questions à se poser sur la validité de cette étude

Cette étude nous rappelle une mauvaise dépêche de l’AFP qui avait mis le feu au poudre en décembre dernier. Celle-ci avait été démentie dès le lendemain de sa publication mais des articles mensongers ont continué à être publiés dans tous les médias.

  • Les chercheurs de Portland ont-ils respecté les « best practices » basiques du vapoteur, c’est à dire faire correspondre la tension d’une batterie avec la valeur de la résistance?
  • Quelle est donc l’utilité de faire vapoter une machine à fumer en brûlant du e-liquide?
  • Connaissez-vous des vapoteurs qui utilisent leur matériel de cette manière?
  • Quelle est la valeur d’une lettre non validée par la communauté scientifique et qui va à l’encontre d’études publiées et vérifiées depuis 2 ans?
  • Comment se fait-il que la plupart des journaux se précipitent comme des rapaces écervelés sur une annonce faite par des chercheurs qui découvrent la vape dans leur laboratoire?

Nous sommes tristes de constater, encore une fois, que de nombreux médias, dans leur course à l’information, publient TROP RAPIDEMENT des dépêches sans prendre le temps nécessaire de vérifier leur véracité ou leur fiabilité.

Quelques éléments de réponse pour rassurer

Les rédacteurs d’evAP ne sont ni des experts, ni des médecins et encore moins des scientifiques mais nous essayons au minimum de recouper les informations avant de les publier.

Dans la vie réelle d’un vapoteur, loin des laboratoires universitaires, l’utilisateur de e-cigarette évite à tout prix de vapoter un BBQ.
Contrairement à un robot inhalateur de vapeur, il va gérer intelligemment la tension de sa batterie pour optimiser son expérience de vape.
Lorsqu’un goût de brûlé survient, c’est non seulement insupportable mais la combustion des mèches et du e-liquide brise rapidement le matériel, le vapoteur le sait depuis ses débuts et aime économiser.

Certains experts se sont insurgés contre cette étude, à l’image du Docteur Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue. Selon le Professeur Farsalinos qui critique fortement cette étude, la machine à vaper était probablement équipée d’une résistance de 1.6 Ohms.

Le problème avec ces recherches in-vitro est qu’elles sont exécutées par des chercheurs qui ne connaissent pas la vape. Par exemple, pour faire une analyse correcte, il aurait fallu travailler en Puissance et non en Voltage.
A la rédaction d’eVAP, on se demande encore s’il faut classer cet article dans la catégorie « Etudes sur la e-cigarette » dans « Les ratés de la semaine » ou dans « café brulé au plastique ».